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Alors on pourrait à l’infini déblatérer, à tort à travers ; évaluer au poil ; analyser les causes ; isoler les responsabilités ; apprécier les conséquences en troufignolisant l’argument, d’ici, de là ;  constituer des modèles ; en appeler à la science, ah la science ! ; expliquer, expliquer, et tourner en bourrique, toujours, car  le chaos est inaccessible à  la raison. Ou alors, peut-être, adopter la posture de l’autruche : se rassurer, feindre l’indifférence, s’anéantir dans le quotidien et oublier, surtout ignorer, la guerre, à trois heures de vol, et l’étau de fer qui se referme, ici, maintenant. Cela ne durera pas... Demain peut-être tout rentrera dans l’ordre ? Et puis ces autres, qui sont-ils ? Nous ressemblent-ils ? Leurs cœurs éclatent-ils lorsque pleuvent les bombes près de la demeure ? Ou bien mieux encore, basculer dans la psychose ; s’insurger et se laisser aller à l’émotion, au désarroi farouche ; pleurer les morts, les nôtres, encore, encore ; entonner le chant hystérique de la vengeance contre les adversaires, qui nous frappent depuis si longtemps, et si durement. Allons enfants ! Usons de la même mesure ! Oui, oui, du bruit, de la fureur ! Oh, un tapis de feu pour étouffer la haine ! Ah, du sang pour laver le sang ! Et combler l’angoisse sourde, qui nous ronge, en contemplation de la béance de notre condition. Réponse pusillanime de la sombre sangsue. De toute façon, on est du côté du manche. Frappez fort sur l’enclume, le bruit assourdira les cris ! La mort effacera l’affront !

Voilà... voilà... Et puis justifier, se donner une bonne conscience, avec nos valeurs, nos croyances, nos représentations. Liberté, liberté chérie, je gribouille ton nom du fond de ma cellule. Défendre notre monde, c’est ça ! La guerre juste et propre avec nos armes lourdes. Ratatata ! Ratatata ! La paix par la puissance d’oppression, la concorde par la force de l’humiliation, et l’ordre par la terreur. Pax Romana ! Pax Americana ! Logorrhées de foutaises abyssales, éjaculations verbeuses délétères, absurdités érigées en dogmes, portées par les grandiloquents arrogants qui ne savent que trop bien nos faiblesses. Les ingénieurs du malheur, la face publicitaire, le ton docte, assènent à longueur d’écran les pulsions mortifères, violent notre inconscient impunément et se délectent de nos peurs. Les satyres du Grand Bouc annoncent l’ultime abattage, la dernière collecte d’âmes égarées. Préparez les affiches ! Annoncez ! Holà, entendez ! The Great Deceiver is Back ! Place à l’orgasme planétaire, nous sommes au menu. Emus par la mise en scène, remercions le scénariste, et bon débarras !



Inévitable constat d’une faillite millénaire. Le monde s’effondre comme un château de cartes avant une nouvelle donne, et on continue de lui attribuer de la consistance. L’espace de cet instant, on continue d’ignorer que l’effort de civilisation n’était qu’une tentative débile, hypocrite, d’accéder à l’universel. Aller au delà de la banalité du mal... Fut-elle seulement envisageable cette glorieuse entreprise, pour ceux qui sont assignés à résidence dans un camp de concentration à ciel ouvert depuis l’origine ? Perfide ironie ! Fut-elle seulement compréhensible à ceux qui ignorent tout de leur nature, du jeu cosmique qui se joue depuis la création de l’humanité par, pour et au-delà d’eux-mêmes ? Nous n’avons pas la main, jamais, car a été savamment entretenu le voile de l’oubli. D’âge en âge, la société humaine s’est apparentée à une industrie du conditionnement de plus en plus sophistiquée, déviant le feu de Vie de sa destination, détournant les symboles, clôturant la pensée autour d’une maigre pâture, rendant impensables d’autres formes d’expérimentations. Un immense système de contrôle, disséqué par les esprits les plus brillants, dénoncé par les poètes, sublimé par les prophètes, au bout du dicible. Mais qui les a entendus ?

La clef a été si bien occultée et l’univers si bien borné. Et puis la vérité ne se plaide pas, elle ne se démontre pas, on la reconnaît ou on la méprise. A ceux qui ont des oreilles pour entendre, elle ne peut être imposée. Elle se révèle lorsque l’accord interne est en adéquation avec son contenu ; une résonance intime, limpide, infalsifiable. La force de l’adversaire, sa puissance de destruction, est exactement égale à sa capacité de dissimulation, soit à l’ampleur de notre ignorance sur la constitution de l’Être, et à notre aptitude à détourner le regard lorsqu’il frappe à la porte. Toute souffrance en dérive nécessairement. A l’horizon du confinement mental et émotionnel, l’abrutissement constitue l’unique évasion ; la haine, un espoir. On pérore dans le vide. On laboure la mer. Et le flux de Vie s’abîme sur les parois indépassables des basses ondes ; chutant, d’âge en âge, fatalement sur les mêmes embûches ; enchaîné à l’implacable refrain. Il n’y a que malheur, car tous sont touchés par la souffrance d’un seul.


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Heure de la remise des comptes. Les masques tombent. Les étiquettes factices de notre identité individuelle et collective se désagrègent en oripeaux filandreux, tourmentés par le vent du changement. Haut-le-cœur. Vomissures acides. Les brisures de l’épaisse gangue laissent enfin entrevoir les délinéaments d’un visage inconnu. Ecce Homo. Le voilà l’Homme ! Est-ce bien lui ? Le regard vacille, l’œil vrille. Impossible ! Non, impensable ! Il est fait à l’image de son impassible Maître. Il a emprunté sa personnalité, ses défauts, ses limites, son arrogance, sa folie. Une expression totalement déséquilibrée de la Vie. Sans clameurs ni trompettes, la face au clair, inéluctable esclave d’un Père ténébreux et jaloux. On lui propose d’ajouter de la confusion à la plus grande division. Et il approuve. Oh, il est si bien élevé, éduqué à la réaction, zélé, zélateur des énoncés primaires. Comment peut-on espérer que l’action d’un principe puisse donner naissance à son contraire ? La lutte n’appelle pas la paix, mais la vengeance. Tendre l’autre joue... Mille guerres et mille morts n’ont pas suffit à saisir l’essence christique de cette phrase. Qu’est-il possible de produire dans la division, sinon alimenter le feu qui pétrit les esprits et les cœurs depuis l’aube de cette humanité ? Cristalliser la séparation, la figer dans une posture encore plus obscène, puis la présenter comme unique principe d’action, de vie. C'est ainsi que la nature humaine périt.

Pourtant, dans sa plus grande division, l’intégrité de l’Unité n’est jamais atteinte. Elle porte toute expérience, indistinctement. Elle distribue toute chose à part égale et l'enjeu (en-je) se joue afin d’éveiller une compréhension plus vaste de Sa nature. Sublime. Symphonie dissonante et pourtant parfaite dans son harmonie et ses mouvements. La seule issue pour l’Ombre est de prendre la Lumière pour épouse. La seule issue pour la Lumière est de prendre l’Ombre pour époux. Anéantissement intime révélant l’Un en nous ; effondrement des structures mentales. L’univers entier est assis sur la matière noire. La matière même des étoiles repose sur une mélasse indistincte et obscure. Elle participe de l’expression de la clarté. Peines et joies, défaites et victoires : expressions mutilées et exaltées de la contradiction, qui n’est nulle part sinon dans notre œil, un filtre de perception déformant la réalité. L’équilibre est un état dynamique reposant sur ces deux pôles, indissociablement liés, aussi nécessaires l'un à l'autre que nos deux jambes pour donner consistance au mouvement. Ouvrir le bal. Initier la danse cosmique à l’Ombre de la Lumière. Et voir, dans l’histoire de l’humanité, l’immense conte de la codification de notre état individuel et collectif. 300.000 ans de combat entre les fils de l’Ombre et de la Lumière à la recherche d’eux-mêmes ! Le compte à rebours est échu. Choisis ton camp camarade ! Ou emprunte le fil de l’équilibriste, le chas de l’aiguille. Car "tout ce qui n’est pas bâti sur un roc périra"...

 

 

 

 

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